Retour aux cauchemars
7 novembre 20258 min

Versailles : comment mon rêve de moulures a fini en ravalement forcé à 25 000€

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Versailles : comment mon rêve de moulures a fini en ravalement forcé à 25 000€

Découvrez l'histoire de Mathieu, jeune médecin à Versailles, piégé par un ravalement de façade imprévu en pleine rénovation. Un récit instructif sur les pièges de la copropriété.

Le silence de la rue de la Paroisse à six heures du matin a quelque chose de sacré. On se croirait dans un film de période, le genre avec des calèches et des perruques poudrées. C’est précisément pour cette ambiance « Roi Soleil » que j’ai signé pour ce 65 m² au cœur du quartier Notre-Dame. J’imaginais déjà les soirées au coin du feu, le parquet en point de Hongrie qui craque sous les pas de Chloé, et cette satisfaction indicible de posséder un morceau d’Histoire.

À 32 ans, en tant qu'interniste avec des gardes à n'en plus finir, j'avais le complexe de Dieu au bloc opératoire, mais j’étais un analphabète complet en bâtiment. Mon compte en banque affichait un revenu confortable, mais mon épargne était aussi vide qu’une salle d’attente un soir de réveillon : j'avais tout misé sur l'apport pour ce trois-pièces. On a décidé de tout casser à l'intérieur pour « moderniser l'ancien ». C'était ma décision. Mon projet. Ma première erreur.

Le cadeau de Noël de la Mairie

Nous étions le 15 décembre. L’appartement était un champ de ruines volontaire : on avait abattu les cloisons pour créer une pièce de vie traversante. La poussière de plâtre s'était infiltrée jusque dans mes sinus. C'est là que j'ai vu le syndic, un homme qui ressemble à un notaire du XIXe siècle, glisser une enveloppe sous la porte de chantier.

Ce n'était pas une carte de vœux. C'était une injonction préfectorale de ravalement d'office.

En gros, la mairie de Versailles, lassée de voir les pierres de taille de notre façade s'effriter sur les touristes qui remontent vers le Château, exigeait que les travaux commencent immédiatement. J'ai d'abord ri nerveusement. On était en train de refaire la cuisine, qu'est-ce que j'en avais à foutre de la façade ? Puis j'ai lu le montant estimé pour ma quote-part : 24 800 euros. À payer sous trois mois. L'équivalent de mon budget total pour la salle de bain et la cuisine sur-mesure. Mon cœur a fait une extrasystole que même mes confrères en cardio auraient trouvée inquiétante.

La science du ravalement versaillais (ou l'art de vider son PEL)

C’est là que j’ai appris ce qu’était un « ravalement technique » en zone ABF (Architecte des Bâtiments de France). À Versailles, on ne repeint pas une façade comme on repeint une clôture de jardin à Melun. On parle de « rejointoiement à la chaux hydraulique » et de « remplacement de pierres de tuffeau ».

Le problème technique était vicieux : la façade n'avait pas été entretenue depuis trente ans. L'ancien enduit, un truc immonde à base de ciment fait dans les années 70, empêchait la pierre de « respirer ». L'humidité stagnait derrière, et avec le gel de décembre, la pierre de taille explosait littéralement de l'intérieur. C'est ce qu'on appelle la « carbonatation ». En gros, le squelette de l'immeuble était en train de s'autodétruire.

Parce que j'avais décidé de changer mes fenêtres pour du double vitrage en bois massif (exigence ABF oblige, encore eux), j'avais moi-même attiré l'attention des services de l'urbanisme. En déposant ma déclaration préalable de travaux pour l'intérieur et les menuiseries, j'avais réveillé le dragon administratif. La mairie a regardé le dossier, a regardé l'immeuble, et a dit : « Puisqu'il y a des travaux, on va tous les forcer à faire le ravalement qu'ils traînent depuis dix ans ».

Le désert des artisans et la faillite de Noël

Le drame, c’est que nous étions à une semaine de Noël. Essayez de trouver un ravaleur spécialisé dans le patrimoine historique entre deux coupes de champagne et une dinde aux marrons. C’est impossible. Mon propre entrepreneur, celui qui faisait l'intérieur, a levé les mains au ciel : 'Ah mais Monsieur Mathieu, moi je fais pas la pierre de taille, c'est un métier de compagnon ça ! ».

Je me suis retrouvé avec un appartement inhabitable, sans cloisons, et une dette soudaine de 25 000 euros qui tombait du ciel. Les banques ? Elles m'ont ri au nez. J'avais déjà un taux d'endettement à 35% avec le prêt immobilier. Chloé pleurait devant les échantillons de carrelage qu'on ne pourrait jamais acheter. J'ai passé mon réveillon de Noël à l'hôpital, à enchaîner les gardes supplémentaires pour essayer de gratter quelques centaines d'euros, tout en recevant des appels du syndic qui me menaçait de frais de recouvrement.

J'ai dû faire un choix de Sophie : arrêter les travaux intérieurs. On a vécu pendant huit mois avec du contreplaqué au sol et des ampoules qui pendaient au plafond, juste pour pouvoir payer les maçons qui bichonnaient la façade extérieure. On avait une façade royale, mais on vivait comme des squatters dans le quartier le plus chic de France.

Épilogue

L'histoire s'est terminée quand le ravalement fut achevé, un an plus tard. L'immeuble est magnifique, certes. La plus-value est là, paraît-il. Mais à quel prix ? J'ai vieilli de dix ans, mon couple a failli exploser trois fois entre un sac de ciment et une facture de doreur à la feuille, et j'ai appris l'humilité de la manière la plus brutale qui soit.

Ma naïveté a été mon plus gros poste de dépense. J'ai cru qu'acheter à Versailles, c'était juste choisir la bonne couleur de peinture. J'ai oublié que dans l'ancien, on n'achète pas juste un appartement, on achète une responsabilité collective. Si j'avais été accompagné par quelqu'un dont c'est le métier de prévoir l'imprévisible, j'aurais su que le ravalement était dans les tuyaux de la copropriété depuis 2018. J'aurais négocié le prix d'achat. Ou j'aurais simplement passé mon chemin.

La Leçon de Mathieu

  1. Épluchez les PV d'Assemblées Générales : Ne lisez pas juste les trois dernières années, remontez sur cinq ou dix ans. Les ravalements « d'office » sont souvent le fruit de reports successifs que les anciens propriétaires ont cachés.
  2. Le budget de secours n'est pas une option : En Île-de-France, et surtout en zone protégée (ABF), prévoyez TOUJOURS 15% de votre budget total pour les imprévus de structure ou de façade.
  3. L'enveloppe et l'intérieur sont liés : Toute modification visible de l'extérieur (fenêtres, volets) déclenche un regard de la mairie sur l'état global du bâtiment. Soyez prêts.
  4. Ne lancez rien seul : Un expert en rénovation aurait vu les traces d'effritement sur la pierre de taille dès la première visite et aurait senti le coup venir.

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