Vélizy : Comment mon spa de luxe a transformé mon réveillon en marécage calcaire

On dit souvent que les chirurgiens ont un complexe de Dieu. C’est faux. Un dieu ne finit pas à genoux dans l’eau croupie, en plein milieu de son salon, à 23h30 un soir de Saint-Sylvestre, en train de maudire l’existence même de la physique des fluides.

Je m'appelle Thomas. À 32 ans, je suis interne en fin de parcours, je gagne très bien ma vie, mais mon compte en banque affiche un encéphalogramme plat à cause d'un prêt étudiant qui ferait pâlir un ministre des finances. J'ai acheté ce trois-pièces à Vélizy-Villacoublay, juste à côté du centre commercial Westfield Vélizy 2. Le genre d'appart' fonctionnel, bétonné, parfait pour un jeune couple... à condition de ne pas regarder derrière les cloisons.

L'été dernier, j'ai eu l'idée de génie de « moderniser » notre salle de bain. Chloé, ma compagne, rêvait d'une baignoire balnéo avec jets massants pour oublier ses gardes à l'hôpital. J'ai foncé. J'ai commandé le nec plus ultra, j'ai recruté un type qui faisait « tout » (le fameux couteau suisse de la rénovation déniché sur un site de petites annonces) et on a tout pété pour installer le joyau. Je pensais que c'était juste de la déco. Une question d'esthétique. Grave erreur.

La symphonie du reflux gastrique (version plomberie)

Le soir du réveillon, on recevait trois couples d'amis. Chloé a voulu inaugurer la bête avant que les invités n'arrivent. Elle fait couler un bain moussant digne d'un clip de RnB des années 2000. C'était beau. C'était luxe. Jusqu'au moment où elle a vidé la cuve.

Le bruit n'a pas été un « glouglou » classique. C'était un râle sourd, comme si l'appartement essayait d'étouffer un cri. Puis, un silence de mort. Et enfin, le drame. L'eau n'est pas descendue. Au contraire, elle a commencé à refouler par le siphon de la douche, puis par les toilettes, dans un mélange de mousse parfumée et de résidus grisâtres que je préfère ne pas identifier ici.

En moins de dix minutes, mon carrelage flambant neuf à 80€ le mètre carré était immergé sous deux centimètres d'une eau saumâtre. À Vélizy, quand le calcaire décide de vous faire la peau, il ne prend pas de gants.

Le syndrome de l'artère bouchée

C’est là que j'ai compris mon erreur de débutant. En médecine, quand une artère est bouchée par le cholestérol, on ne change pas juste le visage du patient, on traite le conduit. En rénovation, c’est pareil.

Le technicien que j'avais embauché s'était contenté de brancher ma luxueuse baignoire sur l'ancienne évacuation en PVC de 40mm. Ce qu'il n'avait pas vérifié, c'est « l'encrassement tartrique ». À Vélizy-Villacoublay, l'eau est extrêmement dure (calcaire). Au fil des décennies, le calcaire s'était déposé sur les parois intérieures des tuyaux, réduisant le « diamètre nominal » (la largeur réelle de passage de l'eau) de 40mm à moins de 15mm.

Imaginez essayer de faire passer le débit d'une lance à incendie (ma nouvelle balnéo) dans une paille de fast-food. La pression a fait sauter le seul bouchon qui tenait encore, et tout le réseau s'est retrouvé congestionné par des plaques de tartre qui s'étaient détachées comme des plaques d'athérome dans une carotide.

500 euros l'heure de main-d'œuvre (le tarif « Joyeux Noël »)

Trouver un plombier un 31 décembre à 21h dans les Yvelines, c'est un peu comme chercher un donneur d'organe compatible en moins de deux heures. C'est statistiquement improbable, et ça coûte un rein.

J'ai appelé sept numéros. Le premier m'a ri au nez. Le deuxième m'a demandé 1500€ rien que pour le déplacement. Le troisième, un artisan local un peu bourru mais honnête, a fini par accepter de venir parce qu'il 'aimait bien les médecins ».

Résultat des courses : il a fallu utiliser un « furet électrique » haute performance pour broyer les sédiments calcaires sur six mètres de canalisation. Il a aussi découvert que la « pente d'évacuation » n'était pas respectée. Pour que l'eau s'écoule, il faut normalement une pente de 1 à 2 cm par mètre. Mon 'expert » précédent avait réussi l'exploit de créer une contre-pente. L'eau stagnait, le calcaire se déposait, et le désastre était programmé dès le premier jour.

Le dépannage d'urgence m'a coûté 1200€. Les dégâts sur le parquet flottant du couloir ? 800€ de plus. Et je ne parle pas de l'humiliation de servir le champagne à mes collègues chirurgiens avec des bottes en caoutchouc et une odeur de marécage qui flottait dans le salon.

Épilogue

Aujourd'hui, quand je regarde ma salle de bain, je ne vois plus seulement des jolis carreaux et des jets massants. Je vois un réseau complexe qui demande de l'expertise, pas du bricolage du dimanche. J'ai voulu faire l'économie d'un vrai maître d'œuvre ou d'un accompagnement sérieux pour piloter mes travaux, pensant que mon diplôme de médecine me rendait apte à juger de la plomberie. Quelle blague.

Si c'était à refaire, je ne ferais pas confiance à une vague connaissance ou à mon propre instinct. J'aurais pris quelqu'un capable de scanner mes canalisations avant de poser un équipement à 3000€. La leçon est simple : dans le bâtiment comme au bloc opératoire, l'improvisation est le chemin le plus court vers la catastrophe.

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