Retour aux cauchemars
21 décembre 20258 min

Jaurès : Le jour où mon pavillon a décidé de se transformer en grotte de Lascaux

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Jaurès : Le jour où mon pavillon a décidé de se transformer en grotte de Lascaux

Découvrez comment un projet de rénovation esthétique dans le 19ème a viré au cauchemar d'humidité à cause d'une mauvaise préparation. Salpêtre et stress au menu.

L’odeur. Ce n’est pas celle du vernis frais ou du parquet neuf que j’avais imaginée en signant le devis. C’est une odeur de champignonnière médiévale, un parfum de crypte oubliée qui s'insinue dans mes narines alors que je contemple les murs de ce qui devait être la chambre de ma fille. Dans trois semaines, Chloé accouche. Dans trois semaines, nous sommes censés accueillir un nourrisson dans ce pavillon du 19ème arrondissement, niché à deux pas du bassin de la Villette. Pour l’instant, la seule chose qu’on accueille, c’est une prolifération de poils blancs qui bouffent mes murs comme une lèpre minérale.

Je m’appelle Antoine, j’ai 33 ans, je suis médecin interniste et, selon ma femme, je suis l’exemple parfait du « diplômé incapable de changer une ampoule sans appeler le SAMU ». Elle n'a pas tort. À force d'enchaîner les gardes, j'ai fini par croire que mon salaire confortable me vaccinait contre la réalité matérielle. J'ai acheté ce pavillon — une perle rare avec un jardinet vers Jaurès — en me disant que j'allais le transformer en temple du design scandinave. J'ai contracté un prêt qui ferait frémir un ministre des finances, je n'ai plus un centime d'épargne, mais j'avais un plan. Un plan de génie : tout refaire 'au feeling » avec un entrepreneur trouvé sur une application de services entre particuliers.

Le projet était simple : transformer le rez-de-jardin, un peu sombre mais spacieux, en une suite parentale et une nurserie digne d'un magazine de déco. J'ai décidé de doubler tous les murs avec du Placo tout beau, tout lisse, et de recouvrir le vieux carrelage par un parquet en chêne massif. « Ça va être canon », je disais à Chloé en regardant les péniches passer sur le canal. Spoiler : ce n'était pas canon. C'était le début d'une descente aux enfers de 80 mètres carrés.

La barbe blanche des murs : l'attaque du salpêtre

Tout a commencé par une petite cloque. Une bulle de peinture sur le mur sud, celui qui donne sur le petit jardin. Je me suis dit : « Pas grave, c'est le séchage ». Deux jours plus tard, la cloque a explosé pour libérer une sorte de poudre blanche, cotonneuse, presque poétique si elle n'était pas le signe clinique d'un décès imminent de mon portefeuille.

En une semaine, le phénomène s'est propagé. Ce n'était plus une cloque, c'était une éruption cutanée généralisée. Le papier peint que j'avais choisi avec tant de soin (et qui coûtait le prix d'un rein) a commencé à se décoller par lambeaux, révélant une maçonnerie qui semblait littéralement « transpirer ».

Je suis resté là, planté au milieu de la future chambre du bébé, avec mes lunettes de médecin et mon ignorance crasse, à observer ces cristaux blancs qui poussaient sur la brique. On aurait dit que le mur se faisait pousser la barbe. J'ai gratté. Ça a repoussé en 48 heures. J'ai repeint par-dessus avec une peinture « spéciale humidité » achetée en catastrophe. La peinture a sauté en une nuit, comme si le mur la vomissait avec dédain. À ce moment-là, avec Chloé qui entrait dans son neuvième mois et qui ne pouvait plus monter les escaliers sans haleter, la panique a remplacé mon arrogance habituelle.

Autopsie d'un désastre : quand la physique vous rattrape

C’est là que j’ai dû me rendre à l’évidence : mon 'entrepreneur » n’était qu’un poseur de plaques de plâtre qui ne comprenait rien au bâti ancien de Paris. J’ai fini par appeler un expert de l’humidité, un type qui avait l’air d'avoir passé sa vie dans des caves et qui m’a regardé avec une pitié non dissimulée.

— « Monsieur, vous avez fait un infarctus du mur », m’a-t-il lancé avec un humour noir qui aurait pu me plaire si je n’étais pas au bord de l’apoplexie.

Ce que j'ai appris ce jour-là vaut plus que n'importe quel cours d'anatomie. Ce que je voyais, c'était du « salpêtre » (ou nitrate de potassium pour les intimes). Le mécanisme ? Les « remontées capillaires ». Imaginez un morceau de sucre qu'on trempe dans le café : le liquide monte. Ici, le sol du 19ème, gorgé d'eau à cause de la proximité du bassin et de la nappe phréatique, remontait dans mes murs en briques poreuses.

Mais le vrai problème, c'était moi. En décidant de poser du Placo et des peintures acryliques étanches, j'avais 'enfermé » l'humidité. Le mur ne pouvait plus respirer. L'eau, bloquée derrière le plâtre, dissolvait les sels minéraux de la maçonnerie qui ressortaient en cristallisant : le salpêtre. En gros, j'avais mis un sac plastique sur une plaie ouverte et je m'étonnais que ça s'infecte. Le salpêtre est un véritable poison pour le bâtiment : il absorbe l'humidité de l'air, maintient le mur mouillé en permanence et finit par transformer le mortier en sable.

Le prix de l'arrogance et la course contre la montre

Le verdict est tombé comme un couperet : il fallait tout arracher. Le Placo tout neuf ? À la benne. Le parquet en chêne qui commençait déjà à tuiler (à gondoler sur les bords) ? Foutu.

L'expert m'a expliqué qu'il n'y avait pas de solution miracle à 50 balles. Pour traiter ça sérieusement dans un pavillon ancien de Jaurès, il fallait soit procéder à une 'injection de résine hydrophobe » à la base des murs (créer une barrière étanche chimique), soit poser une centrale d'assèchement électronique. Coût de l'opération : entre 4 000 et 6 000 euros, sans compter la réfection des enduits qui devaient être faits avec un mortier spécifique 'anti-sel ».

Le problème, c'est que je n'avais plus ces 6 000 euros. J'étais le médecin le plus riche du quartier en revenus, et le plus pauvre en liquidités. J'ai dû appeler mes parents — à 33 ans, la honte est totale — pour financer l'opération en urgence.

On a vécu trois semaines de chantier intensif. Les injections de résine sentaient le solvant dans toute la maison. J'ai dû envoyer Chloé chez sa mère pour qu'elle ne respire pas ça. Je me suis retrouvé seul dans ce pavillon vide, à regarder des techniciens percer des trous tous les 10 centimètres dans mes murs, alors que je devais monter le lit à barreaux. J'ai compris ce jour-là que savoir diagnostiquer une embolie pulmonaire ne servait à rien quand on n'est pas foutu de comprendre comment une maison respire.

Épilogue

Finalement, l'assèchement a fonctionné. Les murs ont arrêté de « fleurir ». On a fini les travaux à la hâte, avec des enduits à la chaux cette fois (parce que la chaux, ça laisse passer la vapeur d'eau, leçon apprise). Ma fille est née quatre jours après la fin du chantier.

Quand je la berce aujourd'hui dans cette chambre, je ne regarde plus la couleur des murs. Je regarde si une cloque n'apparaît pas. Cette expérience m'a coûté 8 000 euros au total, trois kilos de perdus et une bonne dose d'humilité. J'ai voulu jouer au chef de chantier pour économiser quelques billets sur l'accompagnement, et j'ai fini par payer le prix fort.

On ne rénove pas un vieux pavillon à Paris comme on monte un meuble suédois. Le bâtiment a ses lois, et si vous ne les respectez pas, il se vengera. Toujours.

La Leçon :

  1. Ne jamais emprisonner l'humidité : Dans l'ancien, évitez le combo Placo + peinture étanche sur des murs en contact avec le sol. Utilisez des matériaux perspirants (chaux, plâtre traditionnel).
  2. Le salpêtre n'est qu'un symptôme : Traiter les taches blanches sans bloquer la remontée d'eau, c'est comme mettre un pansement sur une fracture ouverte.
  3. L'expertise coûte cher, l'amateurisme coûte une fortune : Un diagnostic technique avant de lancer les travaux de cosmétique vous aurait fait économiser le prix de la démolition et de la reconstruction.
  4. Vérifiez l'historique du quartier : À Jaurès ou vers le Canal, l'eau est partout sous vos pieds. Les rez-de-chaussée demandent une attention particulière sur l'étanchéité.

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