Retour aux cauchemars
4 août 20258 min

180 000 euros pour des gravats : comment ma meulière de Puteaux m'a tué

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180 000 euros pour des gravats : comment ma meulière de Puteaux m'a tué

Découvrez le récit d'un projet de rénovation à Puteaux qui a viré au désastre financier. Entre devis triplé et déménagement raté, apprenez à éviter les pièges.

Le camion de déménagement était garé en double file dans la rue Saulnier, bloquant une file de voitures de luxe pressées de rejoindre La Défense. Le concert de klaxons était assourdissant. Moi, j'étais pétrifié sur le trottoir, une boîte de classeurs sous le bras, fixant l'entrée de ce qui devait être mon 'havre de paix ». À travers les fenêtres sans vitres de ma meulière, je voyais le ciel. Littéralement. Le toit n'était qu'une carcasse de bois squelettique.

'Ah bah Monsieur Mathieu, c'est ce que je vous disais au téléphone : si on veut pas que tout s'écroule sur vos gosses, faut allonger. La solidité, ça n'a pas de prix, mais ça a un coût. » L'entrepreneur, un certain Sanchez, suçotait un cure-dent avec le flegme d'un type qui vient de vous annoncer qu'il a gagné au Loto. Sauf que le gagnant, c'était lui. Et le perdant, c'était mon compte en banque, vidé de 120 000 euros supplémentaires en l'espace d'un rendez-vous de chantier.

La méthode au service du chaos

Dans la vie, je suis ce qu'on appelle un « gestionnaire de risques » pour une grande administration. Autant vous dire que mon Excel de suivi de chantier était une œuvre d'art. J'avais tout prévu : les aléas de 10 %, le coût du stationnement, le planning au jour près, et même les pourboires pour les gars. J'avais acheté cette meulière de 1932 dans le Vieux Puteaux avec une ambition précise : en faire un bijou alliant le cachet de la pierre ancienne et le confort d'un loft moderne. 160 m² de potentiel, un petit jardin, et cette vue imprenable sur les tours de verre de l'autre côté du boulevard circulaire.

Je n'étais pas le bobo naïf de base. J'avais fait passer trois entreprises, comparé les Kbis, vérifié les décennales. Sanchez semblait être le compromis parfait. Sympa, local, avec des photos de chantiers à Rueil et Saint-Cloud. Le projet initial ? 60 000 euros pour la remise aux normes, l'isolation et la création d'une extension vitrée. Une formalité, je pensais. J'avais même prévu de déménager pile pour la rentrée scolaire. Spoiler : on était le 30 août, et la maison ressemblait plus à une ruine après un bombardement qu'à une demeure de cadre supérieur.

La « surprise » du chef : quand le devis prend l'ascenseur

Le cauchemar a commencé par un coup de fil un mardi matin, trois semaines avant la fin prévue. « Monsieur Mathieu, passez au chantier, on a un loup. » Le « loup », c'était selon Sanchez un problème de « portance du sol » totalement imprévu sous l'extension, couplé à une soi-disant « défaillance structurelle » des murs en meulière.

Pour ceux qui ne connaissent pas la meulière, c'est une roche siliceuse très prisée en Île-de-France, réputée pour sa solidité. Mais selon Sanchez, la mienne était « spongieuse ». Il a commencé à m'expliquer, avec des gestes de pêcheur de sardines, qu'il fallait créer un « chaînage périphérique » complet et injecter de la résine dans les fondations. Puis, il y a eu l'histoire du toit. 'On a découvert de la mérule dans la charpente en ouvrant, faut tout traiter et renforcer. »

Le devis initial de 60 000 euros venait de s'envoler. Il m'a présenté un avenant de 120 000 euros supplémentaires. « C'est ça ou j'arrête tout, et la mairie va vous coller un arrêté de péril imminent si ça bouge de 2 millimètres. » J'étais coincé. Mes meubles étaient dans un garde-meuble qui coûtait une blinde, mon bail actuel se terminait, et j'avais déjà versé 40 % d'acompte. J'ai signé. Comme un bleu. Comme le type que je méprise d'habitude dans les dossiers de surendettement que je traite au bureau.

Autopsie d'une arnaque aux fondations

Avec le recul, j'ai compris la manœuvre. C'est la technique classique du « pied dans la porte ». On vous propose un devis attractif, juste assez bas pour que vous signiez, mais pas assez pour que ça paraisse louche. Une fois que le chantier est « déshabillé » — c'est-à-dire que les murs sont à nu et le toit ouvert — l'entrepreneur vous tient par les cervicales.

L'analyse technique est cruelle :

  1. Le faux imprévu géotechnique : Sanchez prétendait qu'il fallait des « micropieux » (des tiges en acier enfoncées profondément pour stabiliser le sol). En réalité, l'étude de sol que j'avais (et qu'il n'avait pas lue) montrait que le terrain était parfaitement stable.
  2. La mérule imaginaire : Il m'a montré une poutre un peu grise. J'ai cru que c'était le champignon dévorant. C'était juste de la poussière de plâtre humide.
  3. Le « surdimensionnement » de confort : Il a facturé des IPN (poutrelles métalliques en forme de I) de section énorme, trois fois plus chères que nécessaire, sous prétexte de « normes européennes inexistantes ».

Pourquoi c'est arrivé ? Parce que je n'avais pas de Maître d'Œuvre (MOE) indépendant. C'était Sanchez qui décidait du diagnostic ET de la solution. C'est comme demander à un vendeur de pneus s'ils sont usés : la réponse est toujours oui. J'étais le juge et la partie, mais sans les codes de procédure.

La valse des huissiers et le naufrage financier

Le jour du déménagement, quand j'ai vu que même avec les 120 000 euros de rallonge, les fenêtres n'étaient pas là, j'ai craqué. J'ai appelé un expert indépendant en urgence. Un vieux de la vieille qui a fait le tour des chantiers de Puteaux depuis les années 80. Son diagnostic est tombé comme une guillotine : « Monsieur, il vous a mené en bateau. Les travaux de renforcement sont bâclés, et la moitié de ce qu'il a facturé n'était pas nécessaire. Pire, il n'a même pas commandé vos menuiseries. »

Le coût réel pour finir ? Encore 50 000 euros pour rattraper les malfaçons et terminer le projet. Sanchez ? Il a fait « faillite » trois semaines plus tard, pour réouvrir une autre boîte sous le nom de sa femme le mois suivant. Classique.

Je me suis retrouvé à vivre dans mon salon de Puteaux, au milieu des cartons, avec deux chauffages d'appoint et une bâche de chantier en guise de toit pour la chambre des enfants. Ma femme ne me parlait plus que par SMS pour me demander où passait l'argent. J'ai passé mes soirées à éplucher le Code Civil au lieu de profiter de ma terrasse. J'avais voulu économiser 5 000 euros d'honoraires d'accompagnement au début du projet. Résultat : j'en avais perdu 180 000.

Épilogue : La leçon d'une vie au pied des tours

Finalement, la maison a été terminée. Un an plus tard. J'ai dû contracter un prêt personnel à un taux dégueulasse pour couvrir le trou. Chaque fois que je regarde les tours de La Défense depuis mon jardin de Puteaux, je me dis que ces gratte-ciels ont été construits avec plus de surveillance que ma petite meulière.

Je n'ai plus d'Excel pour mes vacances, je n'ai plus de certitudes sur ma capacité à « tout gérer ». La rénovation, c'est un métier d'experts, pas un hobby pour cadre supérieur en mal de sensations fortes. Ma fierté en a pris un coup, mais mon humilité s'est envolée. Aujourd'hui, quand un collègue me dit qu'il va faire ses travaux 'en direct » pour économiser, je lui offre un café et je lui raconte mon histoire. Généralement, il change d'avis avant le deuxième sucre.

La Leçon :

  1. Ne validez JAMAIS un avenant structurel sans un avis tiers : Si l'entrepreneur découvre une « catastrophe », faites intervenir un expert indépendant ou un bureau d'études avant de signer quoi que ce soit.
  2. Le prix le plus bas est souvent le plus cher : Un devis sous-évalué cache systématiquement des « surprises » qui feront tripler la note finale une fois que vous serez captif.
  3. Le Maître d'Œuvre n'est pas une option : Avoir quelqu'un dont le métier est de contrôler la véracité technique des demandes de l'artisan est votre seule assurance vie.
  4. Vérifiez la solidité financière réelle : Au-delà du Kbis, demandez les attestations de vigilance URSSAF et vérifiez l'historique de l'entreprise sur les sites spécialisés.

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